12-2-2002

 

ARTHUR RIMBAUD

(1854 – 1891)

 

 

Ophélia

Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles ...
On entend dans les bois lointains des hallalis.

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid d'où s'échappe un petit frisson d'aile:
Un chant mystérieux tombe des astres d'or.

II

Ô pâle Ophélia, belle comme la neige!
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!
- C'est que les vents tombant des grands monts de Norvège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté;

C'est qu'un souffle inconnu, fouettant ta chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits;
Que ton cœur entendait la voix de la Nature
Dans les plaines de l'arbre et les soupirs des nuits;

C'est que la voix des mers, comme un immense râle,
Brisait ton sein d'enfant trop humain et trop doux;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit, muet, à tes genoux !

Ciel, Amour, Liberté : quel rêve, ô pauvre Folle!
Tu te fondais à lui comme une neige au feu:
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton œil bleu.

III

- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys !

Mai 1870 

 

Ofélia

Na onda calma e negra, entre os astros e os céus,
A branca Ofélia, como um grande lírio, passa;
Flutua lentamente e dorme em longos véus...
- Longe, no bosque, o caçador chamandoo a caca...

Mais de mil anos faz que a triste Ofélia abraça,
Fantasma branco, o rio negro em que perdura.
Mais de mil anos; toda noite ela repassa
À brisa a romanca que em delírio murmura.

Beija-lhe o seio o vento e liberta em corola
Os grandes véus nas águas acalentadoras;
Sobre os seus ombros o caniço à fronte sonhadora.

Nenúfares feridos suspiram por perto;
Às vezes ela acorda; em vidoeiro ocioso
Um ninho de onde vem tremor de um vôo incerto...
- De astros dourados desce um canto miisterioso...

 

II

Morreste sim, menina que um rio carrega,
Ó pálida Ofélia, tão bela como a neve !
- É que algum vento montanhês da Norueega
Contou que a liberdade é rude, mas é leve;

- É que um sopro, liberta a cabeleira presa,
Em teu espírito estranhos sons fez nascer
E em teu coração logo ouviste a Natureza
No queixume da árvore e do anoitecer.

- É que a voz do mar furioso, tumulto impávido,
Rasgou teu seio de menina, humano e doce;
- E em manhã de abril, certo cavalheirro pálido,
Um belo e pobre louco, aos teus pés ajoelhou-se.

E aí o céu, o amor : - que sonho, que pobre louca !
Ante ele eras a neve, desmaiado à luz;
Visões estrangulavam-se a fala na boca,
O Infinito aterrava os teus olhos azuis !

 III

- E o poeta diz que sob os raios das estrelas
Procuras toda noite as flores em delírio
E diz que viu na água, entre véus, a colhê-las
Vogar a branca Ofélia como um grande lírio.

 

 

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, 0 bleu: voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes.
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui
bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux;

0, suprême Clairon plein de strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges:
- Ô l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

1871

 

Vogais

A negro, E branco, I vermelho, U verde, O azul : vogais,
Direi algum dia vossos nascimentos ocultos :
A, negro espartilho peludo das moscas tumultos
Rondando fedores cruéis demais,

Golfos de sombra; E, candura de vapor e de tenda,
Lanças de geleiras altivas, reis brancos, tremor de umbelas,
I, púrpuras, sangue cuspido, riso dos lábios belos
Na cólera ou na embriaguez oferenda ;

U, ciclos, vibrações divinas do verde mar,
Paz dos pastos semeados de animais, paz das rugas,
Que a alquimia imprime na fronte a estudar;

O, supremo clarim pleno de estranhos agudos,
Silêncios cruzados por anjos e mundos :
- Ô o ômega, raio violeta de Seus Olhos !

  

 

Le bateau ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs:
Des Peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs, et les courants : je sais le soir,
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs
figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets!

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
-Des écumes de fleurs ont béni mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux ...

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et des Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où, vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi, plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons !

1871

 

O Barco Embriagado

 

Enquanto eu acompanhava rios impassíveis,
Não me senti mais guiado pelos rebocadores :
Índios aos berros os tomaram por alvo,
Pregando-os nus aos troncos de cores.
 

Não me preocupei com todas as equipagens
Carregando trigo flamengo ou algodão francês.
Quando com meus rebocadores acabou a gritaria,
Os rios me deixaram descer onde queria.

Através dos furiosos murmúrios das marés,
No outro inverno, mais surdo que mentes infantis,
Eu corri ! E as penínsulas desgarradas
Nunca tiveram tão triunfais algazarras...

Sei de céus que estalam em raios, de tormentas
Ressecas e correntes : sei da noite e do Alvorecer
Exaltado tal o revoar de miríades de pombas,
E vi certas o que o homem acreditou ver !

Vi o sol poente, manchado de horrores místicos,
Iluminando longos coágulos violetas,
Como atores de dramas muito antigos
Ondas distantes rolando arrepios de frestas !..
 

Vi fermentar enormes pântanos, ardis
Onde entre os juncos um Leviatã apodrece !
Despencam águas em meio a calmarias,
E horizontes para os abismos descem !

Queria mostrar às crianças estas douradas
Na onda azul, estes peixes dourados, estes peixes cantantes.
- Espumas de flores embalaram minhas ffugas
E inefáveis ventos me alaram por instantes.

Às vezes, mártir cansado dos pólos e das zonas,
O mar cujo soluço adocava meus vagueios
Me alçou suas flores de sombra de ventosas amarelas
E eu ficava, qual mulher de joelhos...

E eu, barco perdido sob os cabelos das angras,
Pelo furacão no éter sem pássaro lançado,
A quem os Monitores e os veleiros das Hansas
Não teriam a carcaça ébria de água resgatado;
 

Eu que tremia, ouvindo gemer de cinquenta léguas
O cio dos demônios e dos abismos estreitos
Tecelão eterno das imobilidades azuis,
Lamento a Europa dos antigos parapeitos !
 

Se desejo uma água da Europa, é o charco
Negro e frio onde no crepúsculo perfumado
Cheio de tristeza um menino agachado
Como borboleta de maio solta o tênue barco.
 

Não posso mais, banhado por vossos langores, ô ondas,
Levar seus vulcos dos carregadores de algodões,
Nem atravessar o orgulho das bandeiras e das chamas,
Nem nadar sob os horríveis olhos dos pontões.

 

 

 

Chanson de la plus haute tour

Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah ! Que le temps vienne
Où les coeurs s'éprennent.

Je me suis dit : laisse,
Et qu'on ne te voie :
Et sans la promesse
De plus hautes joies.
Que rien ne t'arrête,
Auguste retraite.

J'ai tant fait patience
Qu'à jamais j'oublie ;
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties.
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.

Ainsi la prairie
A l'oubli livrée,
Grandie, et fleurie
D'encens et d'ivraies
Au bourdon farouche
De cent sales mouches.

Ah ! Mille veuvages
De la si pauvre âme
Qui n'a que l'image
De la Notre-Dame !
Est-ce que l'on prie
La Vierge Marie ?

Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah ! Que le temps vienne
Où les coeurs s'éprennent !

 

Mai 1872

 

Canção da Mais alta Torre

Ociosa juventude
A tudo oprimida,
Por delicadeza
Perdi minha vida.
Ah ! Que venha o dia
Em que os corações se amem.
 

Eu me disse : cessa,
E ninguém te via :
E sem a promessa
De mais alta alegria.
Que nada te detenha,
Grandiosa retirada.

Tive tanta paciência
Que para sempre esqueço;
Temor e penitência
Aos céus partiram.
E a sede doentia
Me escurece as veias.

Assim o Prado
Ao esquecimento deixado,
Engrandesce, e floresce
De joio e incenso
Ao zumbir tenso
De cem moscas sujas.

Ah ! Tanta viuvez
Da alma que chora
E só tem a imagem
Da Nossa Senhora !
Será que se ora
À Virgem Maria ?

Ociosa juventude
A tudo oprimida,
Por delicadeza
Perdi minha vida.
Ah ! Que venha o dia
Em que os corações se amem !